Monsieur
d'Emma becker
d'Emma becker
Édition
Denoël
Sortie le 13 janvier 2011
Format broché 480 pages
Présentation de l'éditeur :
Ellie, vingt ans, mène
une existence légère et insouciante jusqu'au jour où elle
rencontre Monsieur, un chirurgien marié approchant la cinquantaine.
D'abord épistolaire, leur liaison prend son envol dans une chambre
d'hôtel du quinzième arrondissement. Au gré des rencontres
clandestines et d'appels téléphoniques fugaces, Ellie traversera
plusieurs mois d'attente fiévreuse. Un engrenage passionnel dont
elle tentera sans succès de se déprendre. Un roman-confession. Une
description cruelle de la traversé du fantasme. Le désenchantement
d'une Lolita contemporaine.
Ce roman comporte des scènes et termes explicites pouvant choquer tout le monde les plus jeunes.
Avant d'acheter ce roman
recommandé par un auteur dont j'apprécie énormément la plume
(merci monsieur Jakubowski), j'avais pris la peine de retracer les
différents avis de lecteurs, pas tous emballés ni enthousiastes
quant au contenu du bouquin, c'est peu de le dire, mais unanimes sur
un point : c'est bien écrit. Il ne m'aura pas fallu plus de
vingt-quatre heures pour me décider à le commander.
Alors... curiosité
malsaine ? Intérêt douteux ? Véritable désir de
découvrir ce qu'Emma a pu coucher sur le papier, son histoire, la
sienne à ce monsieur, assez perturbante pour pour qu'elle écrive un livre sur lui ?
Le roman est construit en
trois parties. C'est un journal ouvert, une confession sans fard,
sans tabou, sans pudeur. L'auteur y narre sa rencontre avec Monsieur,
de quoi ils ont parlé, ce qu'ils ont fait ensemble, les obstacles
surmontés ou ignorés. Les dérives d'une relation intense où aucun
n'est épargné, où aucun ne veut faire de mal à l'autre, mais qui
pourtant va immanquablement faire des victimes. Emma Becker raconte
une tranche de sa vie, vécue sur quelques mois. Tout, ou presque,
nous y est dévoilé et, si l'on ressent parfois une gène résiduelle
et les propos types d'une jeune femme de cet âge (maladroits, crus,
punitifs), on est également bluffés par la force des mots choisis.
Certains seront choqués
avant même d'ouvrir ce bouquin : Monsieur est marié, père de
famille, mais cette relation immorale (Ellie pourrait être sa fille)
ne l'arrête pas le moins du monde. Mon Dieu, quelle horreur ! diront les
plus outrés.
Pourtant, parmi tous les
avis négatifs que j'ai pu lire, de gens qui s'insurgent,
s'étouffent, se gonflent de sentiments quasi religieux en se signant
(non, mais sérieux, j'ai lu un « vade retro » *misère*),
tout ça pour pointer du doigt le culot « obscène » de
cette jeune femme, je relève un détail qui mérite d'être précisé
parce que vraiment, ça m'agace : tous ces gens bien pensants,
dégoûtés et moralisateurs... l'ont forcément acheté, ce bouquin. Ou, tout
du moins, se le sont procuré d'une manière ou d'une autre.
Il est question d'une
relation consommée entre une post-adolescente de vingt ans et d'un
homme ayant franchi la quarantaine, marié, père, et réputé
professionnellement parlant. C'est écrit en toutes lettres sur la
quatrième de couv'. Alors stop à l'hypocrisie, je me fais l'avocat
du diable (et tant pis si ma boîte mail dégueule de ces petits mots
pleins de sucre rose tout moisi dont je fais désormais la collection pour
oser afficher mes goûts littéraires) et vous renvoie en face de vos
actes et choix. Personne ne vous a obligés à lire ce livre, soyez
un tant soit peu honnêtes et arrêtez de hurlez au scandale. Emma
Becker n'allait pas se contenter de parler chiffon et vous le saviez.
J'en reviens à mes
questions du début, mes motivations personnelles. Pourquoi ai-je
moi-même acheté ce livre ? Curiosité, intérêt, désir, une
bonne dose de voyeurisme aussi, mais surtout, la personnalité même
de cette jeune femme m'intriguait et m'intrigue encore.
J'ai commencé ma lecture
sans arrière pensée, je savais ce que j'allais trouver. Par contre,
je ne m'attendais pas à ce que ça m'embarque aussi vite. Ce qui m'a
sauté aux yeux en premier lieu, plus vivement encore que l'évidence
de lire un morceau de la vie d'Emma, c'est la richesse de ses mots,
sa façon d'en user et l'impact qu'ils ont sur le lecteur.
(d'ailleurs, je viens de commander un dictionnaire des synonymes, je
trouve mon vocabulaire soudain affreusement pauvre et triste)
Cependant, ce dialecte
recherché, stylisé, exalté, n'empêche pas l'auteur de nous tenir
des propos d'une crudité parfois limite, mais c'est le langage
propre à chacun et c'est en fait celui-là qui a choqué les plus
sensibles. Emma le décrit très bien elle-même dans son roman, ce
langage, et explique pourquoi elle utilise bite plutôt que pénis,
chatte plutôt que vulve, enculer plutôt que sodomiser. Ça colle
tellement bien à l'esprit entier de son bouquin que ça aurait fait
bizarre, dans ce contexte, si elle avait choisi des termes plus
ampoulés, plus poétiques, plus romantiques.
Parlons de l'histoire.
Ellie, vingt ans, est étudiante à Paris et passionnée des lettres.
La littérature érotique tient une place de choix dans sa vie, ce
qui n'est pas pour plaire à sa famille, et c'est pour cela qu'elle a
entamé une relation avec Monsieur. Lui, est un collègue de l'oncle
d'Ellie, un homme qui revient parfois dans les conversations à table
sous des qualificatifs peu flatteurs : obsédé, volage, parlant
tout le temps de sexe, lisant de la littérature érotique... Voilà.
Quelqu'un a appuyé sur le détonateur, tout va s'enchaîner très
vite pour finir comme ça doit finir dans une situation pareille.
Mal.
Emma ne nous épargne
aucun détail. Elle a ses mots, ses émotions, son ressenti et si,
parfois, je l'avoue, j'ai eu envie d'aller la trouver pour la secouer
un peu, lui dire « mais tu t'attendais à quoi, ma
choupette ? », j'ai eu tout aussi envie de botter le cul
de Monsieur pour avoir osé entraîner cette jeune femme dans une
relation qui ne pouvait qu'être douloureuse et destructrice. Je passerai rapidement
sur le fait que, non, je ne tolère pas l'adultère et rien que pour
ça, Monsieur mériterait de vomir ses propres sphincter, mais qui
suis-je pour porter un jugement sur un fait somme toute
banal ? Des hommes trompent leur femme (et inversement) tous
les jours, avec des partenaires parfois à peine majeurs, sans que
personne n'y trouve rien à redire. Mais là, parce que l'auteur le
dit haut et fort, paf ! Il faudrait la crucifier pour l'exemple ?
S'il s'était agi d'une fiction, on aurait salué l'imagination fertile et troublante de cette jeune femme, vachement mature pour son âge, mais il s'agit de son histoire donc c'est "malsain", "sale", "pervers", "nombriliste"... Tss...
Moi je dis chapeau, Emma. Et je dis, putain... j'ai encore pris une claque.
Je vais vous dire, à la
fin du roman, j'ai pleuré. Pourtant, je m'étais armée dès le
début, me disant à chaque fois qu'Ellie retrouvait Monsieur dans
une chambre d'hôtel, que ça finirait mal. Elle s'est attachée,
forcément. Elle a eu beau dire qu'il ne s'agissait que de cul, non.
Elle est tombée amoureuse. Et lui ? En la voyait s'accrocher,
le rappeler, lui écrire, qu'est-ce qu'il a fait ? Il l'a
ignorée pour finalement lui dire qu'il ne pouvait pas (ne voulait
pas) que ça se termine. Je l'ai trouvé monstrueusement égoïste
alors qu'Ellie a été forcée de mûrir d'un coup et de grandir vite.
S'il y a une chose à
retenir de ce roman finalement très complexe, c'est que toute chose a un coût. Tout acte a des répercussions. L'amour n'a peut-être
pas de frontière, mais il est blindé de contraintes. Après la
lecture de Monsieur, de nombreuses questions foisonnent encore dans ma tête
d'insatiable curieuse, mais ça, c'est mon problème. Ceci dit,
continue d'écrire, Emma. Sur ce point, Monsieur avait raison. Tu as
du talent.
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