lundi 28 janvier 2013

80 notes de jaune de Vina Jackson

Milady
Collection Romantica 
Sortie le 25 janvier 2013
Format broché : 445 pages
Prix : 15,90 €

Présentation de l'éditeur :

Prisonnière d’une relation en demi-teinte, Summer, violoniste passionnée, trouve refuge dans la musique. Elle passe ses après-midi à interpréter Vivaldi dans le métro londonien. Quand son instrument est détruit, elle reçoit le message d’un admirateur secret.
Dominik, séduisant professeur d’université, se propose de lui offrir un violon en échange d’un concert… très privé.
Dominik et Summer se jettent alors à corps perdu dans une liaison sulfureuse aussi imprévisible qu’excitante. La jolie violoniste laisse libre cours à des pulsions interdites et s’abandonne enfin à la passion, mais elle va découvrir qu’il n’y a pas de plaisir sans souffrance…

Mon avis :

Roman pour adultes avertis. Certaines scènes peuvent choquer la sensibilité.

Devant ce nouveau roman à l'illustration mystérieuse, au titre donnant une impression de déjà-vu, à la présentation annonçant subtilement que l'histoire traitera « encore » de relations sexuelles particulières, le lecteur pourrait facilement craindre d'être tombé sur une copie plus ou moins pâle des best-sellers ayant inondé nos librairies depuis quelques mois, mais... il aurait tort.
80 notes de jaune est, contrairement à d'autres romans pourtant plébiscités et très largement encensés un peu partout sur la planète, un véritable petit bijou littéraire du genre.
Cependant, il est utile, et même indispensable, de savoir que nous ne sommes pas devant une romance érotique ordinaire. Les scènes détaillées et l'ambiance générale du roman vont entraîner le lecteur dans l'univers BDSM, le vrai, avec ses codes, ses exigences et ses attentes. Il est donc préférable, si vous êtes trop sensible ou si vous avez une approche plutôt traditionnelle de la sexualité, d'en rester à des titres gentiment abordables en terme d'évocations visuelles comme le très médiatisé (et pourtant bien médiocre en comparaison) Fifty Shades of Grey.

Vina Jackson est le pseudonyme de deux auteurs faisant « équipe » pour la première fois et, en lisant ce roman où les deux personnages principaux nous offrent tour à tour leur façon de voir les choses, on parvient à voir les subtilités entre l'un et l'autre.
Les interventions de Summer, violoniste passionnée, se font en mode omniscient et celles de Dominik, professeur universitaire au charisme troublant, en mode narratif. Cependant, nous apprécierons que les auteurs ne soient pas tombés dans la facilité en se contentant de décrire les mêmes choses. La qualité du récit est indéniable et si le dialogue est parfois cru et la trame dérangeante pour le néophyte, tout colle à la situation du moment et sert l'histoire.

L'histoire, parlons-en, justement. Summer vit à Londres dans un petit appartement sous-loué et joue du violon dans le métro en espérant gagner de quoi subsister car les petits boulots ne lui apportent pas la fortune. Elle a un petit ami au début du roman, Darren, un homme présenté comme tiré à quatre épingles et peu enclin à assouvir les désirs sexuels puissants qu'éprouve la jeune femme. Pour Summer, la musique est un fil conducteur exacerbant ses désirs et échauffant ses pulsions. Elle est très demandeuse et Darren, pas du tout. D'ailleurs, il pense sincèrement que la jeune femme a un vrai problème de santé pour agir comme ça.
Summer se produit en public avec son violon rafistolé qu'elle traîne depuis des années et c'est dans le métro que, sans le savoir encore, sa vie va basculer dans un univers dont elle était très loin d'imaginer franchir le seuil un jour. Dominik vient d'entrer dans son sillage, elle le fascine quasi instantanément et il décide de la revoir. Seulement, quand il retourne dans le métro le lendemain, elle n'est pas là. Ce n'est qu'un peu plus tard, en lisant un article mentionnant une bagarre dans le métro durant laquelle une violoniste avait été malmenée, qu'il fait le rapprochement avec la jeune femme. Dès lors, il n'a qu'une idée en tête : la voir jouer pour lui... mais sous certaines conditions.

Toute la force et la qualité de ce roman résident dans l'approche maîtrisée du sujet et dès les premiers chapitres, ce qui va inéluctablement unir les deux personnages ne fait aucun doute. Les flash-back de Dominik nous mettent également sur la voie. Il a eu de nombreuses relations, mais l'une d'elles, quelques années plus tôt, lui a fait vivre une expérience unique, lui faisant prendre conscience que le plaisir pouvait être contrôlé, guidé, orienté, décidé. Une expérience qui l'a irrémédiablement changé.
Summer fait ce même type de découverte en acceptant de suivre son amie Charlotte dans un lieu très particulier. Pour elle aussi, l'expérience sera décisive et la poussera, par-delà ses propres convictions, à retrouver ces sensations grâce auxquelles elle est parvenue à s'évader totalement, à atteindre un seuil de plaisir différent, à s'épanouir dans le sens entier du terme.

L'imprégnation du lecteur dans l'univers BDSM sans fard de ce roman se fait crescendo. Nous sommes en présence d'un véritable scénario du genre. Ici, les auteurs ne s'arrêtent pas à trois malheureuses fessées et l'héroïne ne s'enfuit pas en courant devant la pseudo-perversité de son compagnon. Non, dans 80 notes de jaune, Summer assume chacun de ses actes, Dominik l'entraîne vers un terrain sans jamais rien exiger d'elle, même si son discours tend à faire croire le contraire. Tout est fait dans le respect de l'autre et avec l'optique de satisfaire les deux parties.
L'intervention d'un personnage secondaire vient mettre en évidence les codes du genre trop souvent bâclés par les auteurs se prêtant à l'exercice. Certes, cet individu évolue dans le milieu SM, mais il est évident que pour lui, ce n'est qu'un jeu, un rôle qu'il se donne, visant à glorifier son égo en soumettant de façon singulièrement pénible les « esclaves » qu'il a sous sa coupe.

Pour terminer, si ce roman n'a rien de romantique à première vue, il n'est pas non plus dénué de sentiments et le premier d'entre eux est le respect mutuel que s'accordent Dominik et Summer. Ils souhaitent tous deux satisfaire l'autre et se soucient des réactions qu'ils peuvent avoir. Dans le dernier quart de ce premier tome, les choses prennent une tournure réellement angoissante et là encore, les sentiments sont bien présents. Inquiétude, crainte, besoin de savoir l'autre en sécurité... et différentes petites choses bien précises qui démontrent que s'il ne s'agit pas encore d'amour, il y a bel et bien une évolution des sentiments.

En refermant le livre, nous sommes à la fois troublés et perplexes. Où tout cela peut-il mener ? Comment une telle relation peut-elle évoluer ? Et si évolution il y a, de quelle nature sera-t-elle ?
En tout cas, s'il y a une leçon à retenir en lisant ce bouquin, c'est qu'on ne s’improvise pas auteur du genre. Les auteurs de 80 notes de jaune savent de quoi ils parlent et ça fait toute la différence.

Le second tome de cette série captivante et addictive est déjà annoncé. Le rendez-vous est donc pris. J'y serai.

3 commentaires:

Ysalis K.S. a dit…

Bel article !
J'avais déjà envie de lire ce livre, voilà qui n'arrange rien... ;)

Christy a dit…

Merci Ysalis :)
C'est un roman qui partage vraiment les lecteurs. Ou on aime, on on déteste, pas de demi mesure. Et les fans de monsieur Grey ont définitivement rejeté Dominik ^^

J'ai lu des romans bien plus durs que celui-ci. En réalité, durant ma petite quête personnelle sur le sujet du "vrai" BDSM, je me rends compte qu'ici, il est visité, certes, mais en surface... Il y a tant à dire et à savoir sur cet univers particulier. Je trouve cela aussi fascinant qu'effrayant ;)

Ysalis K.S. a dit…

J'y pense... pour le "vrai" monde du SM, il y a "Le Lien", de Vanessa Duriès. Là, c'est du vrai, du direct, pas romancé, ou si peu...

Il faudrait que je le relise. Je l'ai lu il y a très longtemps, pour justement essayer de "comprendre" ce monde qui m'intriguait, et parce qu'en fait, je connaissais l'auteur : une jeune fille toute gentille...

À part ça, j'ai juste commencé "80 notes", et pour l'instant, j'aime beaucoup le début, qui est axé sur les sens, sur la musique, et les références à l'enfance donnent déjà plus de profondeur au personnage, par rapport aux 50 nuances ! ;)